Et à la fin, c’est (encore) Einstein qui gagne

Plus de 100 ans après qu'Albert Einstein a présenté sa théorie de la gravité, les scientifiques du monde entier poursuivent leurs efforts pour trouver des failles dans la relativité générale. Toute déviation observée par rapport à ses prédictions pourrait en effet être l’indice d’une nouvelle physique à même d’unifier les théories décrivant l’infiniment petit (monde quantique) et les plus grandes échelles.  

Dans ce but, une équipe internationale dirigée par l'Institut Max Planck de radioastronomie (Bonn, Allemagne) a étudié un système unique composé de deux pulsars, en orbite l’un autour de l’autre – des étoiles en fin de vie très compactes, hautement magnétisées et en rotation rapide2 qui produisent des faisceaux d’ondes radio balayant le ciel tels des phares. L’ensemble de ces caractéristiques font de ce système un laboratoire idéal pour tester la relativité générale. Découvert en 2003, il été observé pendant 16 ans avec sept radiotélescopes. Le radiotélescope décimétrique de Nançay (Cher), géré par l’Observatoire de Paris-PSL, le CNRS et l’Université d’Orléans, a ainsi enregistré les impulsions radio d’un des pulsars, une heure durant, deux ou trois fois par semaine, sur plus d’une décennie.

L’ensemble des données collectées (environ un million d’impulsions radio précisément chronométrés) a permis aux scientifiques de détecter de nombreux effets relativistes et de mesurer sept paramètres de la théorie de la relativité générale, certains de manière inédite. Un exemple : le fort champ gravitationnel de chaque pulsar en mouvement rapide courbe l’espace-temps autour de lui et dévie donc la trajectoire des ondes radio émises par l’autre pulsar. Non seulement le signal est détecté par les télescopes plus tard que s’il se propageait en ligne droite, mais l’angle infime de cette déviation (0,04 degré) a pu être déterminé pour la première fois.

Les scientifiques ont aussi pu tester une pierre angulaire de la théorie d'Einstein, l'émission d'ondes gravitationnelles (infimes oscillations de l’espace-temps), avec une précision 1000 fois supérieure à ce que permettent actuellement, en détection directe, les détecteurs d'ondes gravitationnelles3 . Ils ont également observé une conséquence de la célèbre équation E = mc² : le rayonnement du pulsar s’accompagne d’une perte de masse. Ou encore la dilatation du temps, qui s’écoule plus lentement en présence d’un fort champ gravitationnel.

Toutes les observations se sont révélées en excellent accord avec la théorie d’Einstein. Si celle-ci a vraiment des failles, il faudra donc des tests encore plus poussés pour les découvrir.

 

Pour en savoir plus :

Communiqué de presse de l'Institut Max Planck de radioastronomie (en anglais) : www.mpifr-bonn.mpg.de/pressreleases/2021/12

Site de la station de radioastronomie de Nançay : www.obs-nancay.fr

Un reportage photo à la Station de radioastronomie de Nançay est disponible sur la plateforme de CNRS Images : images.cnrs.fr/reportage-photo/rep000628

 

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Vue d’artiste des deux pulsars orbitant l'un autour de l'autre et émettant chacun un faisceau d’ondes radio. Le mouvement orbital de ces étoiles, situées à environ 2000 années-lumière, provoque un certain nombre d'effets relativistes, notamment la création d'ondulations dans l'espace-temps appelées ondes gravitationnelles. Emportant de l’énergie, les ondes gravitationnelles s’accompagnent d’un rapprochement des deux pulsars : le système rétrécit ainsi d'environ 7 mm par jour. La mesure correspondante concorde avec la prédiction de la relativité générale à 0,013 % près.
© Michael Kramer/MPIfR
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Les sept radiotélescopes utilisés pour observer le double pulsar J0737-3039. Dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir du haut à gauche : Effelsberg (Allemagne), Nançay (NRT, France), Westerbork (WSRT, Pays-Bas), Parkes (Australie), Jodrell Bank (JBO, Royaume-Uni), Very Long Baseline Array (VLBA, Etats-Unis) et Green Bank (GBT, Etats-Unis).
© Norbert Junkes/MPIfR (Effelsberg), J.P. Letourneur/Observatoire de Nançay (NRT), ASTRON (WSRT), ATNF/CSIRO (Parkes), Anthony Holloway (Jodrell Bank), NRAO/AUI/NSF (VLBA & GBT).

 

  • 2Dans le cas présent, leur masse est 30 % supérieure à celle du Soleil pour un diamètre de 24 km seulement. Les deux composants sont en orbite l'un autour de l'autre, parcourue en seulement 147 minutes à la vitesse d’1 million de km/h. L'un d'eux tournant très vite sur lui-même (44 fois par seconde), c’était un candidat idéal pour cette étude.
  • 3Ces ondes gravitationnelles emportent une partie de l’énergie du système, qui rétrécit progressivement : les ondes gravitationnelles sont donc détectées indirectement, via la mesure de ce rapprochement.